Meeting, débats, déclarations à la presse, tweets et micro-vidéos, programmes diffusés aux électeurs, le discours est au cœur de l’activité politique.
Aristote le notait déjà dans sa Rhétorique parue voici 2300 ans : le discours politique ou délibératif est une forme à part entière de l’expression. Le sage grec notait que ces discours visent à énumérer des problèmes à résoudre, à réfuter les solutions mauvaises et à justifier les solutions bonnes.
Deux millénaires après l’expérience grecque, la démocratie contemporaine n’a pas changé ces fondamentaux : les politiques rivalisent de mots pour occuper le temps de cerveau disponible des citoyens (et des autres élus quand ils débattent entre eux au sein d’un parlement). Les politiques ne sont évidemment pas les seuls, car la communication moderne a démocratisé les moyens d’expression. Le monopole de la parole n’appartient plus à une caste dirigeante. Il y a une rude concurrence des discours entre la politique et d’autres activités humaines qui s’expriment aussi. Et au sein de l’activité politique, les récepteurs ne sont plus passifs, ils réagissent par leurs mots aux mots des émetteurs et deviennent émetteurs à leur tour, cela de plus en plus au gré des innovations de la communication (presse, radio, télévision, internet).
Pour une solution d’analyse lexico-sémantique comme Youmean, le discours politique est un formidable terrain d’investigation.
En effet, les convictions des uns et des autres s’expriment dans des styles et sur des thèmes différents. En témoigne la diversité des mots et expressions employés avec une fréquence relative selon les camps politiques.
Pour s’en convaincre, nous avons analysé une semaine de tweets comportant les hashtags #melenchon2022, #zemmour2002, #pecresse2022, qui sont des marqueurs d’engagement des internautes autour de ces candidats. Nous avons extrait des mots connotant des valeurs (axiologie) et calculé sur Youmean leur répartition relative. Puis procédé à une analyse factorielle du résultat.
Plus les mots sont proches des étiquettes portant le nom des candidats, plus ils sont utilisés dans les discours portés sur eux.
On voit que l’analyse du langage permet de tirer des enseignements :
- Les partisans de Zemmour ont un langage plus riche en valeurs (puis ceux de Mélenchon, puis ceux de Pécresse)
- Les valeurs des Zemmouriens recrutent plus fréquemment des vertus personnelles (droiture, vaillance, bonté, charité, honnêteté…) quand celles des Mélenchonistes convoquent souvent des vertus collectives (partage, progrès, émancipation, humanité, fraternité…)
- Les valeurs autour de Pécresse sont associées à sa lutte pour la candidature LR et donc autour de ses qualités personnelles (différence sans doute appelée à disparaître désormais que la candidate est installée)
Bien sûr, l’exercice sera encore plus intéressant à faire plus tard dans la campagne, avec les 7 ou 8 candidats principaux. Et les valeurs sont ici un exemple parmi les approches possible du discours politique : on peut l’étudier sous l’angle des thèmes récurrents, des niveaux de polarité (positivité ou négativité) et d’intensité (superlatifs et vocabulaire hyperbolique) de discours, des personnalités référentes plus souvent citées, des verbes et adjectifs, des expressions signifiantes (n-grams), etc.
Si vous avez envie de prendre la politique au mot, n’hésitez pas à employer le bon outil pour cela !